PORTRAITS DE VILLES / Sidi Ifni

Ici les Aït Baâmrane et d’autres avant eux, ont attendu des millénaires que l’étendue du désert et de l’océan leur parle enfin, à eux seuls qui ont passé à les parcourir leur vie entière sur des animaux patients ou sur d’étroites barques de bois qui craquent. Leur vie entière et tous leurs silences en échange d’un souffle imperceptible, de l’écho de ce souffle ou la mémoire de son écho.. Jusqu’à l’absence de l’écho et du souffle, l’absence, par avance acceptée.
Aveuglés de soleils ou brûlés d’embruns, le temps et l’espace donnés à eux sans
compter, par à-coups brutaux du pressentiment de l’infini et de couleurs embrasées, ils se sont tus et ont passé sur les paysages immaculés comme les reptiles ou les oiseaux, porteurs de mémoires insondables.
C’est alors que la ville a surgi, Sidi Ifni, venue d’ailleurs, fille d’un langage, bavarde de ses géométries, de ses perspectives, de cette organisation des surfaces, du clair, de l’obscur, des masses de blancs et d’ombres. Sidi Ifni, entre l’océan et le désert silencieux, est toute l’impertinence d’un cri.
Jean-Claude Feuillarade - Avril 2017